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Le kératocône

Le kératocône (KC) est une maladie dégénérative progressive et non inflammatoire de la cornée
Elle est caractérisée par un amincissement et une ectasie de celle-ci qui se traduit par une perte de sphéricité du tissu qui prend alors la forme d’un cône responsable d’un astigmatisme irrégulier et d’aberrations optiques de hauts degrés

Prévalence et incidence :

L’incidence est estimée à 1,3 cas pour 1000 habitants, avec une variation géographique importante et des formes cliniques très variées (de la forme infra clinique, dont la prévalence augmente depuis l’apogée de la chirurgie réfractive et la réalisation de nombreuses topographies cornéennes de dépistage pré opératoire).

L’âge d’entrée dans la pathologie est en général l’adolescence, même si l’âge d’entrée peut varier dans les extrêmes. Il existe d’ailleurs une pathologie apparentée au kératocône, appelée la dégénérescence marginale pellucide (DMP), et dont le diagnostic est fréquemment posé après 40 ans.

Seulement 20% des patients porteurs d’un KC ont un apparenté atteint également : à ce titre une analyse topographique des frères et sœurs peut être proposée dès l’âge de 10 ans

Physiopathologie :

L’origine physiopathologique n’est pas clairement établi et fait appel à des nombreuses hypothèses dont aucune ne fait l’unanimité auprès des spécialistes internationaux : en résumé il semblerait que la maladie soit d’origine plurifactorielle : prédisposition génétique + anomalie morphologique du collagène cornéen + pression mécanique répétitif sur le stroma cornéen (frottement, position de sommeil, massage intensif des paupières)

Progression du kératocône :

Le kératocône est une maladie évolutive : en effet il peut progresser et son suivi s’effectue à l’aide de l’analyse de la topographie cornéenne. Cet examen analyse la cornée du patient en la comparant à une cornée « idéale » de référence : cela permet d’en déduire trois paramètres essentiels : l’épaisseur (ou pachymétrie), le degré d’astigmatisme (et sa régularité) et enfin l’élévation maximale de la cornée bombée (Kmax, ou kératométrie maximale). Un kératocône est considéré comme évolutif si l’un des trois facteurs se modifient de manière significative sur une durée de 6 mois minimum : -30 microns de pachymétrie ET/OU +1 dioptrie d’astigmatisme ET/OU +1 dioptrie de Kmax.

Stadification du kératocône :

Deux classifications sont utilisées dans le kératocône :
La classification topographique (TOPO) de Amsler-Krumeich2
(figure classification Amsler-Krumeich)
La classification tomographique (OCT) de Sandali3
(figure classification de Sandali)

Signes fonctionnels :

La principale plaint des patients est la baisse d’acuité visuelle : celle-ci peut être légère, modérée ou sévère et peut s’associer à une baisse de la qualité visuelle (instabilité visuelle, aberrations optiques de haut degré de type COMA, et enfin une photophobie principalement nocturne
Le kératocône est toujours indolore SAUF en cas d’hydrops cornéen aigu : le patient décrit alors rougeur, douleur, photophobie intense et larmoiement excessif : il s’agit d’une urgence diagnostic et thérapeutique

Signes cliniques :

A l’examen à la lampe à fente, plusieurs signes peuvent être observés mais n’influence pas la prise en charge : cassure de la courbure cornéenne en inférieure, présence de Strie de Vogt, anneau cuivré de Fleischer (dépôt de ferritine provenant des larmes) et enfin opacité stromale (plutôt antérieur, et au sommet du cône). Le signe de Munson correspond à une forme en « cône » de la cornée lorsque le patient regarde vers le bas et le signe de Rizzutti correspond à une focalisation de la lumière au-delà du limbe lors de l’éclairage latérale de la cornée atteinte

L’hydrops cornéen est une forme aiguë et un tournant dans la maladie : il correspond à une rupture du stroma postérieur, parfois associé à une rupture de la membrane de Descemet, entraînant un œdème important de cornée, avec arrivée massive d’humeur aqueuse dans le stroma. C’est une urgence diagnostique et thérapeutique puisqu’il est admis que la suture cornéenne, décrite par le Pr Marc Muraine en 2013, réalisée en urgence améliore de manière significative le pronostic visuel des patients et améliore également le pronostic d’une éventuelle allogreffe de cornée secondaire

Examens paracliniques :

L’examen clé repose sur la topographie cornéenne : elle correspond schématiquement à une analyse 3D de la surface cornéenne : on y analyse la face antérieure, la face postérieure et enfin l’épaisseur de la cornée
La carte axiale est importante car elle permet le diagnostic de kératocône frustre, la principale CONTRE INDICATION de la chirurgie réfractive cornéenne par laser (PKR, LASIK, SMILE)
J’utilise le Pentacam® de la société Oculus dans ma pratique clinique depuis 2013. Mes deux cabinets à Lyon et à Aix-les-Bains en sont équipés
Le deuxième examen pouvant être réalisé est la tomographie par cohérence optique de cornée (OCT de cornée) : elle correspond à un « scanner » de la cornée permettant d’en analyser la courbure, la profondeur des opacités, la présence d’un hydrops et enfin l’analyse de la carte pachymétrique de l’épithélium dans le dépistage des formes frustres (mapping épithélial)
J’utilise le Solix® de la société Visionix à Lyon et le Cirrus 6000® de la société Zeiss à Aix-les-Bains

Chaque laboratoire distribuant un topographe ou un tomographe propose également un score automatisé de détection du kératocône : malheureusement aucun n’est fiable à 100% et ne peut se substituer à une analyse fine du spécialiste, même s’il peut être utile en cas de doute. Pour le Pentacam®, nous utilisons le score ABCD® de Belin et Ambrosio

Des études sont en cours pour inclure l’intelligence artificielle dans les scores de détection afin d’en améliorer la fiabilité : nul doute que les scores actuels seront rapidement substitués par ces nouvelles méthodes

Avis du Dr MOUCHEL : à titre personnel, je ne prends aucun risque. En chirurgie réfractive, si j’ai le moindre doute sur une topographie, je ne propose pas de traitement laser et j’explique pourquoi avec un compte rendu détaillé

Prise en charge :

Elle se décompose en 2 parties : stabiliser la maladie et réhabiliter visuellement le patient

Stabiliser la maladie :

Il faut tout simplement arrêter les frottements oculaires et tous les appuis répétés et prolongés sur la cornée (frottement avec les phalanges, position du sommeil face contre oreiller ou face contre le bras, la main). Le simple arrêt de ces contacts répétés est suffisant pour stopper l’évolution dans la majorité des cas (>95% dans ma pratique personnelle)
Si l’arrêt des frottements n’est pas possible (problème comportemental, handicap mental), nous pouvons alors discuter l’intérêt d’un cross-linking du collagène cornéen : c’est une chirurgie mini invasive consistant à « rigidifier » le stroma cornéen pour le rendre moins déformable. L’intérêt de ce traitement est débattu car sa preuve scientifique IN VIVO n’est pas établie, cependant de nombreuses études4 ont montré son efficacité pour stabiliser les topographies

Avis du Dr MOUCHEL :
Les frottements oculaires et la position du sommeil :
La place des frottements oculaires est indéniable : même si je n’entre pas personnellement dans le débat de « l’œuf ou la poule », il est pour moi indispensable de recommander, voir obliger à tous les patients porteurs d’un kératocône de ne pas appuyer sur la cornée et donc de contre indiquer les frottements oculaires. De plus la position du sommeil doit être étudiée par l’entourage et si possible être modifiée en cas de contact cornéen prolongé nocturne : à ce titre des coques de nuit existent pour éviter ce contact (société : EMGIDI)

Réhabiliter visuellement :

Dans plus de 90% des cas, la vision d’un patient porteur d’un kératocône est améliorée par le port d’une paire de lunette, ou d’une paire de lentille « thérapeutique »
La lentille donnera très souvent de meilleurs résultats que les lunettes, ou que la chirurgie
Le domaine de la contactologie en France a été délaissé par les ophtalmologistes, et nous trouvons aujourd’hui assez peu d’ophtalmologistes adaptateurs. Cependant, de nombreux cabinets proposent des adaptations en travaillant en collaboration avec des contactologues (orthoptiste ou opticien). Il faut enfin préciser que quel que soit le protagoniste qui réalise l’adaptation, cette activité n’est pas reconnue par la sécurité sociale et est donc facturée en « hors nomenclature » c’est-à-dire à la charge du patient ou de sa mutuelle

Le traitement chirurgical n’intervient qu’en dernier recours, et n’est pas nécessaire dans >90% des cas
Nous pouvons citer : les anneaux intra cornéens, la greffe allogénique de stroma (CAIRS), la greffe allogénique de membrane de Bowman ou enfin la PKR topoguidée couplée au cross-linking du collagène cornéen (protocole d’Athènes5)
L’allogreffe de cornée est devenue rare et réservée aux formes les plus sévères et/ou évoluées de la maladie (allogreffe lamellaire antérieure – DALK ou allogreffe transfixiante – KT)

Références :
PDNS Kératocône, Centre National de Kératocône, Pr Touboul et Pr Fournié, Janvier 2022
2Krumeich JH, Daniel J, Knülle A. Live-epikeratophakia for keratoconus. J Cataract Refract Surg. 1998 Apr;24(4):456–63
3Sandali O, El Sanharawi M, Temstet C, Hamiche T, Galan A, Ghouali W, et al. Fourier- Domain Optical Coherence Tomography Imaging in Keratoconus. Ophthalmology. 2013 Dec;120(12):2403–12
4D’Oria F, Palazón A, Alio JL. Corneal collagen cross-linking epithelium-on vs. epithelium-off: a systematic review and meta-analysis. Eye Vis (Lond). 2021 Sep 1;8(1):34
5Kanellopoulos AJ, Binder PS. Management of corneal ectasia after LASIK with combined, same-day, topography-guided partial transepithelial PRK and collagen cross-linking: the athens protocol. J Refract Surg. 2011 May;27(5):323-31

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